Le 115 ne répond pas à l’appel plus d’une fois sur deux, en province
57 % des personnes sans domicile demandant un hébergement en décembre n’ont pas obtenu de solution, selon un baromètre de la Fnars qui ne concerne pas Paris.
La protection des personnes privées de toit s’est certes renforcée mais pas à la hauteur des besoins grandissants. Voilà résumée l’alerte lancée par la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), après analyse des appels au 115 dans 37 départements répartis sur le territoire. L’association, en effet, décrit une « dégradation structurelle de la situation de l’urgence sociale ».
Le dispositif est plus saturé que jamais. Le mois dernier, 8 425 mises à l’abri ont eu lieu dans le cadre du plan hivernal, soit 41 % de plus que l’an dernier sur la même période. Ces places provisoires créées pendant la période de grand froid représentent 33 % des attributions. Mais parallèlement, le volume de la demande a augmenté de 22 %, pour atteindre les 59 476 appels concernant 15 516 personnes. Autrement dit, la part des personnes qui composent le numéro d’urgence et restent sans solution augmente : 57 % des demandes ne donnent pas lieu à un hébergement, contre 51 % fin 2011.
Les familles, premières victimes
En régions, 6 400 parents avec enfants ont composé le 115 en décembre. Ces familles ont représenté 46 % du total des appelants. Seules 36 % d’entre elles ont obtenu une mise à l’abri, soit à l’hôtel (54 %), soit dans un lieu disposant de places ouvertes pour l’hiver (29 %), soit dans un centre d’hébergement à l’année (14 %). Le reste de la demande se répartit entre les hommes seuls (37 %), les femmes seules (8 %) les couples sans enfants (7 %) et les groupes d’adultes sans enfants (2 %), avec également d’importants taux de non-réponse. Les durées d’hébergement varient peu par rapport à l’an passé : plus d’un séjour sur deux (56 %) n’excède pas une seule nuit.
Des mises à l’abri toujours en fonction du thermomètre
La Fnars regrette par ailleurs que les places prévues pendant la période de froid, 19 000 en tout, n’aient pas été ouvertes partout sur le territoire, « malgré l’engagement de la ministre du logement Cécile Duflot d’une accélération du plan hiver ». Autre inquiétude de la Fnars : les remises à la rue en mars, pendant la période de redoux, alors que les locaux temporaires auront fermé leurs portes. « La circulaire qui prévoit les solutions de sortie du dispositif d’urgence a été publiée seulement la semaine dernière, et le travail de diagnostic nécessaire pour proposer aux personnes sans abri des solutions de logement adaptées n’a pas été entamé : on voit bien que le calendrier n’est pas tenable », déplore Florent Gueguen, le directeur général de la Fnars.
JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS
En amont de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté organisée par le gouvernement les 10 et 11 décembre prochains, les associations ont rédigé sept rapports thématiques.
, l’Église et l’État doivent marcher dans le même sens »
C’est en quelque sorte le 61e engagement de François Hollande, ajouté en cours de campagne présidentielle et obtenu grâce à l’interpellation des candidats par le collectif Alerte, regroupant les plus grandes organisations de solidarité. Selon les chiffres les plus récents, datant de 2010, la France compte 8,6 millions de pauvres. Un triste record qui n’avait plus été atteint depuis 1975, en plein choc pétrolier. Le gouvernement prévoit un plan quinquennal pour tenter d’endiguer cette montée de l’exclusion. En préparation de la conférence nationale qui doit dégager les grandes lignes de ce programme, les associations ont planché par thèmes sur tous les déterminants de la pauvreté. « Un travail intense, avec sept ou huit rencontres pour chaque groupe », commente Dominique Balmary, président d’Alerte et de l’Uniopss. « Toutes les propositions ont été élaborées avec la participation d’usagers », souligne-t-il.1. Droits sociaux
Le constat. Le RMI, à sa création en 1988, était équivalent à un demi-smic. Aujourd’hui, le revenu de solidarité active (RSA), qui a remplacé l’ancien dispositif, ne représente plus que 40 % du salaire minimum. Quant au RSA « activité », destiné aux travailleurs pauvres, il n’est pas demandé par les deux tiers des bénéficiaires potentiels, par manque d’information, mais aussi à cause de fastidieuses démarches administratives.
La proposition. Une majoration du RSA de 15 % en cinq ans.
Pendant la campagne présidentielle, les associations réclamaient une augmentation de 25 % du RSA. Compte tenu de l’état des finances publiques, elles préconisent de lisser ce rattrapage dans le temps. Le rapport « droits sociaux » demande une majoration de 15 % en cinq ans (+ 3 % par an), puis une augmentation minimale de 2 % par an. « Il devrait, à l’horizon de 2017, en coûter entre 3 et 4 milliards d’euros de plus par an », précise Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). En contrepartie de ces dépenses nouvelles, la prime de Noël, qui représente 400 millions d’euros par an, serait supprimée. Concernant le RSA activité, le groupe de travail prône un accès facilité, sur le modèle de la prime pour l’emploi (PPE), que l’on obtient très simplement, en remplissant sa fiche d’impôt. Elle pourrait être versée en plusieurs fois dans l’année pour assurer des ressources régulières.2. Santé
Le constat. En France, un tiers des habitants retardent leurs soins par manque de moyens.
La proposition. Créer une super-CMU.
Pour le moment, la CMU n’a d’universelle que le nom, puisque cette couverture maladie écarte les étrangers sans papiers et que sa version complémentaire santé, la CMUc, n’est accessible que pour les personnes gagnant moins de 630 € par mois. « Cela exclut, en tout, quatre millions de pauvres, parmi lesquels nombre de handicapés, de personnes âgées ou de bénéficiaires du RSA », s’indigne le docteur Jean-François Corty, de Médecins du monde.
Le groupe de travail propose de fondre l’Aide médicale d’État réservée aux migrants en situation irrégulière dans la CMU et de rendre accessible la CMUc à toutes les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (moins de 950 € par mois).
3. SurendettementLe constat. Aujourd’hui, 750 000 dossiers de surendettement restent à traiter en France, la plupart concernant des ménages incapables de faire face à leurs dépenses. Parmi eux, 20 % se sont mis à accumuler des crédits qu’ils ne peuvent plus rembourser.
La proposition. Créer un « registre national des crédits aux particuliers ».
« Nous souhaitons la création d’un fichier contenant la date et le montant de tous les crédits. Cela aurait le mérite d’établir un dialogue systématique entre le prêteur et le consommateur », plaide François Soulage, président du Secours catholique. Ce système d’information serait à la charge des organismes financiers. Autre grande préconisation : que les pénalités bancaires des personnes fragiles soient plafonnées et qu’elles soient appliquées seulement en fin de mois. Les titulaires du compte devront obligatoirement être prévenus dès qu’ils se trouvent dans le rouge.4. Emploi
Le constat. Selon le collectif Alerte, les contrats aidés, en particulier les 150 000 emplois d’avenir promis aux 16-25 ans, ne devraient pas être utilisés uniquement pour « ajuster » le taux de chômage au moment où la crise bat son plein.
La proposition. Créer deux catégories de contrats aidés.
« Nous souhaitons scinder ces contrats pour deux utilisations différentes. L’une pour répondre à l’urgence de la montée du chômage. L’autre, selon un plan pluriannuel, pour mieux permettre aux ateliers ou aux chantiers d’insertion d’inscrire un travail dans la durée auprès de ceux qui sont éloignés de l’emploi », défend Jacqueline Saint-Yves, administratrice du Coorace, fédération d’aide aux chômeurs.
Le constat. La France compte 150 000 sans abri et 2,9 millions de mal-logés. La précarité énergétique touche 3,4 millions de Français.
La proposition. 40 000 toits de plus dès 2013.
Les associations demandent un « plan 2013 » pour répondre aux situations les plus dures. « Nous demandons 20 000 places d’hébergement d’urgence, 20 000 solutions de logement en faveur des ménages prioritaires au titre du droit au logement opposable et 5 000 possibilités d’accompagnement dans l’habitat », précise Christophe Robert, directeur adjoint de la Fondation Abbé-Pierre. Concernant la précarité énergétique, le groupe de travail recommande un doublement du « forfait charges » inclus dans l’aide personnalisée au logement (APL), qui n’a pas évolué ces dernières années.
Le constat. En France, deux millions de mineurs vivent sous le seuil de pauvreté.
La proposition. Un enfant pauvre sur cinq en crèche d’ici à 2022.
Les associations mesurent chaque jour à quel point l’obtention d’un mode de garde peut soulager les familles précaires. « Les effets sont très vite perceptibles : cela permet une socialisation précoce de l’enfant, alors que les inégalités se manifestent dès le plus jeune âge, et un meilleur accès à l’emploi, notamment pour les mères seules », explique Pierre-Yves Madignier, président du mouvement ATD Quart Monde.
Aujourd’hui, seuls 15 % des enfants sont en accueil collectif. Le groupe de travail propose de passer à 25 % d’ici à 2022 et de réserver 20 % des places aux « petits » vivant sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui, la réglementation impose seulement qu’une place en crèche sur 20 soit réservée à un enfant démuni.
Le constat. Depuis 2008, les financements publics prennent de moins en moins la forme de subventions et se matérialisent de plus en plus par des appels à projets pour répondre à des commandes précises des autorités. Les associations se sentent mises à mal dans leur capacité à innover.
La proposition. Créer un « droit à l’initiative sociale ».
Aux yeux d’Alerte, ce droit serait une reconnaissance encourageant les entraides citoyennes, comme les réseaux informels de voisinage, mais il permettrait aussi de libérer de nouvelles formes de solidarité. Cette mesure établirait en outre une limite claire entre certains projets sociaux, comme les jardins collectifs, les garages solidaires ou encore les initiatives de restauration collective, et les services marchands, qui n’ont pourtant pas les mêmes finalités.
« De nombreux projets ne voient pas le jour aujourd’hui, parce qu’ils nécessitent une activité qui pourrait être considérée comme du travail au noir ou parce que les normes imposées pour les réaliser sont totalement dissuasives », explique Évelyne Guerraz, administratrice de la Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil).
La grande pauvreté en France | |
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Nombre de personnes vivant sous le seuil à 40 % du revenu médian en 2009 selon l'Insee | 2 millions |
Nombre de mal logés en France en 2012 selon la Fondation Abbé Pierre | 3,6 millions |
- dont sans domicile personnel | 685 000 |
- dont sans domicile fixe | 113 000 |
Nombre de français indiquant ne pas avoir pris de repas complet au moins une journée au cours des deux dernières semaines en 2006, selon l’Insee | 1,827 million |
Nombre de français ayant recours à l’aide alimentaire en 2010, selon le Conseil National de l’Alimentation, dont les aides délivrées par : | 3,5 millions |
- la Fédération française des banques alimentaires | 740 000 |
- les Restos du Cœur | 819 000 |
- la Croix-Rouge française | 45 863 |
- le Secours Populaire Français | 1,3 million |
Nombre d’allocataires de minimas sociaux en 2011 selon la CNAF | 3,6 millions |
- dont RSA socle | 1,4 million |
Source : Insee, Fondation Abbé Pierre, Cnaf, Conseil National de l'Alimentation (CNA) |
Sur le territoire de l'Union Européenne ce sont, en 2012,19 millions d'enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté soit, en moyenne dans chaque pays près de 10% des enfants. Mais quand on regarde l'Europe du Sud-Est c'est-à-dire les anciens pays de l'Union Soviétique se sont 25 % des enfants qui vivent dans la pauvreté et cela doit préoccuper l'ensemble des européens.
La lutte contre la pauvreté des enfants n'est pas une politique importante aux yeux des différents pouvoirs publics. Pourtant les politiques à mettre en œuvre sont complexes, il n'y a pas que le fait qu'ils souffrent de la faim mais aussi le fait qu’ils n'ont pas de livres appropriés à leur âge, qu’ils n'ont pas d'activités de loisirs à l'extérieur de chez eux ou qu’ils ne puissent pas recevoir des amis,. Bref, il faut qu'ils puissent avoir une vie sociale grâce à laquelle ils pourront entrer de plein pied dans leur vie d'adulte. Pour le Secours Catholique et pour tout le réseau Caritas quand on parle de pauvreté des enfants, il faut aborder quatre domaines essentiels, et c’est ce que je viens de dire, hier, au Ministre de la jeunesse. Il s'agit de l'accès à l'éducation, de la justice adaptée aux mineurs, de la lutte contre la traite des enfants et, enfin, de la prise en compte de la migration comme facteur aggravant et déclencheur de pauvreté. Je voudrais y ajouter la solidarité intergénérationnelle qui donne les moyens les plus efficaces de lutte contre la pauvreté des enfants mais qui est, trop souvent, oubliée.
Au cours de cette rencontre le réseau Caritas et donc le Secours Catholique demande à ce que chaque famille puisse bénéficier d'un revenu minimum adapté au nombre d'enfants dans la famille et qu’il soit significativement supérieur au seuil de pauvreté. Il attire également l'attention sur certains groupes d'enfants plus particulièrement exposés à la pauvreté : les enfants handicapés, ceux issus de minorités, ou de famille mono parentale. Il est utile de rappeler ces propositions alors que se prépare la future conférence nationale de lutte contre la pauvreté au sein de laquelle il existe actuellement un groupe de travail particulier sur enfance et famille dans lequel siège le Secours Catholique
Intervention, sur RCF, le 20 novembre 2012
CATHERINE MONIN
| 30.03.11 | 13h55 • Mis à jour le 31.03.11 | 12h40
Jeudi 31 mars, l'hiver est considéré comme terminé. Les sans-abri peuvent retourner à la rue !
Dès le 1er avril à Paris, 600 personnes actuellement hébergées dans le cadre du plan hiver seront mises dehors. D'autres centres fermeront dans les jours suivants, et on atteindra plus de 1 000 personnes rendues à l'errance à Paris. Dans le Val-de-Marne, ils seront plus de 800 dans la même situation et près de 1 000 en Seine-Saint-Denis. Au total, ce seront près de 3 000 personnes qui n'auront plus de lieu couvert où dormir dans les prochains jours dans l'agglomération parisienne. C'est un drame. Et nous sommes tous concernés.
Ce n'est pas le froid qui tue les sans-abri. Le Collectif Les Morts de la rue, qui recense chaque année le nombre et l'âge des sans-abri qui meurent en France, le montre bien : on disparaît tout autant l'été que l'hiver, au printemps qu'en automne.
C'est l'usure qui tue ! Usure due à l'incertitude permanente : où vais-je m'installer, cet endroit est-il sûr, est-ce que je risque d'être attaqué, comment vais-je manger demain, tout à l'heure, y aura-t-il une association qui me donnera un repas, devrai-je le trouver dans une poubelle, comment réussir à réunir les documents qu'il me faut alors que je n'ai plus de papiers d'identité depuis longtemps ?... Usure de devoir une fois encore expliquer avec de pauvres mots pourquoi on ne trouve pas de travail dans un pays où tant de gens qualifiés et bien intégrés ont du mal à retrouver un emploi. Usure liée à la solitude et aux ruptures affectives en tous sens, avec la tentation des addictions... L'hébergement n'est pas une garantie de réinsertion, mais c'est un premier pas. Imaginez cette quête incessante pour réaliser les opérations les plus simples de la vie : se laver, dormir, manger, aller aux toilettes...
En dehors même du plan hivernal, rien que ces huit derniers mois, l'Association Emmaüs a été contrainte, faute de financements, de fermer trois centres d'hébergement "pérennes" et de remettre dans la rue plus de 150 personnes. Nous retrouvons donc dans les rues les personnes que nous hébergions dans nos centres et que nous ne pouvons plus abriter. Dans quelques jours, nous aurons sous les yeux la misère la plus crue que nous aurons refusé de secourir. Nous ne pouvons pas accepter cette solidarité réduite au plan hiver.
Au même moment vient d'être votée une loi qui oblige les personnes sans papiers à payer 30 euros pour bénéficier de l'aide médicale d'Etat. Or, même si cette somme est pour beaucoup de gens acceptable, nous savons qu'un certain nombre de personnes sans papiers ne pourront pas la payer. Un rapport de l'administration démontre que c'est une fausse bonne idée, les personnes qui ne se soigneront pas verront leur santé se dégrader et elles seront prises en charge un jour dans un état sanitaire très dégradé qui occasionnera des dépenses bien plus importantes. Nous propose-t-on de les laisser mourir sans être soignées, pour faire des économies ?
On nous annonce également que le budget des associations qui hébergent les sans-abri est réduit de 3 % environ en 2011 et que la même réduction s'appliquera les années suivantes. Nous ne pourrons pas, dans ces conditions, maintenir le nombre de places actuel. Ce n'est plus seulement la sortie du plan hiver qui est en cause, c'est le coeur de notre mission permanente. On peut nous demander de faire des économies, c'est notre rôle d'améliorer notre service aux personnes accueillies et hébergées au meilleur coût pour la collectivité. On ne peut pas nous demander de diminuer nos ressources tout en augmentant en permanence le niveau d'exigence de l'Etat.
Au nom du "logement d'abord", on nous dit qu'il ne faut plus augmenter le nombre de places d'hébergement. Mais en région parisienne, quand prévoit-on un nombre de logements sociaux suffisant pour accueillir les 30 % de personnes hébergées prêtes à entrer dans un logement HLM ? Et dans l'attente de cette date hypothétique, comment fait-on pour abriter les personnes dépourvues de toit ?
Au nom des difficultés budgétaires, on nous dit que la réduction du budget social est inévitable. Nous demandons que la réforme fiscale en préparation se construise sur des objectifs de justice sociale et de redistribution assurant à toute personne la possibilité de vivre sur notre territoire dans la dignité. En particulier, nous demandons que soit supprimé tout avantage fiscal au logement locatif privé sans contrepartie sociale et, plus généralement, toute aide à l'accession à la propriété sans plafond de ressources, afin que les moyens ainsi dégagés soient reconvertis vers le logement social, l'hébergement et l'action en direction des plus défavorisés.
L'Association Emmaüs demande instamment à l'Etat de respecter la loi française et les directives européennes, c'est-à-dire d'assurer les besoins élémentaires (toit, nourriture, santé...) de toute personne vivant sur son territoire, quelle que soit sa situation administrative. L'Etat est en faute lorsqu'il contraint les associations à remettre les personnes à la rue sans solution. Il ne respecte pas la loi de mars 2009 qui pose le droit des personnes accueillies dans un centre d'hébergement d'urgence de s'y maintenir tant qu'une autre solution d'hébergement ne leur a pas été proposée, il ne respecte pas la loi DALO qui instaure un droit au logement opposable.
Emmaüs demande instamment à l'Etat de garantir aux associations, sur la base de l'année 2010 et pour plusieurs années, des budgets de fonctionnement et de modernisation qui leur permettent de s'adapter aux exigences nouvelles de l'administration, aux changements de leurs missions et à l'évolution de leurs publics.
Depuis plusieurs mois, en son nom ou au sein du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement, qui regroupe trente et une associations, Emmaüs en appelle au président de la République, qui s'était engagé en 2007 à ce qu'il n'y ait plus personne à la rue. Après avoir voté un "droit au logement opposable", voter un "bouclier social pour les sans-abri".
Nicolas Clément et Claude Chaudières, respectivement directeur général et vice-président d'Emmaüs Article paru dans l'édition du 31.03.11
La question du logement est au coeur des préoccupations d'un nombre croissant de ménages, qu'ils soient mal logés (3,5 millions de personnes), en situation de fragilité par rapport au logement (plus de 6,5 millions) ou inquiets pour leurs proches. Et pour cause: il manque 900 000 logements en France, les prix de l'immobilier ont doublé en dix ans et les loyers ont augmenté de 50% pendant la même période! Une évolution qui creuse les inégalités: le taux d'effort des plus riches pour se loger n'a pas augmenté entre 1992 et 2006, alors que celui des plus modestes a explosé, pour passer de 32% à 48%.
Face à cela, au lieu de la réponse énergique attendue, le Parlement a voté dans le budget 2011 une nouvelle baisse des aides personnalisées au logement (APL) et des aides pour le logement social. Les plus fragiles ne peuvent pourtant pas faire les frais de la rigueur, qui plus est lorsqu'elle est à deux vitesses: le gouvernement vient de supprimer les plafonds de ressources du prêt à taux zéro en l'ouvrant ainsi aux hauts revenus, pour un coût estimé à 400 millions d'euros.
La crise du logement représente une faillite par carence des pouvoirs publics. Laisser faire le marché puis se plaindre de la flambée des prix est cynique, car l'intervention ne devient alors possible qu'au prix d'un investissement coûteux, vite invoqué pour justifier l'immobilisme. Les seules lois du marché ne permettent pas de loger convenablement l'ensemble des ménages. Il n'en a jamais été ainsi: seule une intervention massive et soutenue de la collectivité permettra de réduire les exclusions par le logement. C'est précisément ce que demande aujourd'hui avec force et insistance la Fondation Abbé Pierre.
Le gouvernement rappelle l’obligation d’accueil inconditionnel des SDF dans les centres. Mais des dérapages dénotent un climat de chasse aux sans-papiers.
"Quand il y a un risque de passer la nuit dehors lors d’une période de grand froid, on ne se pose pas la question de savoir si la personne est française ou non, si elle a des papiers ou non." Ce
29 novembre, le secrétaire d’État
au Logement, Benoist Apparu, s’est engagé à envoyer "en fin de semaine" à tous les préfets une circulaire réaffirmant le principe de l’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement
d’urgence. Un principe qui figure d’ailleurs dans la loi du 25 mars 2009.
Alors, pourquoi ce nouveau rappel à l’ordre ? Le 29 novembre, Libération publie des documents montrant que certaines administrations donnent consigne de ne
plus héberger d’étrangers en situation irrégulière. Dans le Calvados, la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) enjoint les centres d’hébergement d’urgence (CHU), les centres
d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) et le 115 de ne plus prendre en charge les déboutés du droit d’asile. Dans le Haut-Rhin, le préfet indique que "la nécessité d’assurer une fluidité au
dispositif impose de prioriser le public de “droit commun”" (c’est-à-dire les Français et étrangers en situation régulière) en cas de saturation. Dans l’Yonne, le préfet demande de refuser à une
famille en situation irrégulière la restitution de son appartement même si "la mesure de reconduite à la frontière est annulée par le juge"…
"Voilà plusieurs semaines que nous tirons la sonnette d’alarme", affirme à La Vie Nicole Maestracci, présidente de la Fnars (Fédération nationale des associations
d’accueil et de réinsertion sociale), dont les 850 structures gèrent environ 95 % des 113 000 places d’hébergement en France. Du reste, les départements évoqués par
Libération ne sont pas seuls en cause. Ainsi, dans le Nord, la DDCS demande aux directeurs des centres d’envoyer "le 5 de chaque mois un état de situation" avec le nom et la nationalité
de tous les occupants. Saisie par 23 associations, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a indiqué que de telles données nominatives ne sauraient "faire l’objet
d’une transmission".
Autant de pratiques disparates qui semblent indiquer qu’aucun ordre précis n’a été donné aux préfets, comme l’a plaidé Benoist Apparu sur RTL. Mais qui attestent aussi d’un même
état d’esprit pour traiter les sans-papiers en variables d’ajustement de l’hébergement d’urgence. "Cela fait longtemps que les centres reçoivent des consignes orales en ce sens, poursuit Nicole
Maestracci. Ce qui est nouveau, c’est d’avoir des consignes écrites." Si elle se réjouit que Benoist Apparu rappelle les préfets à l’ordre, la présidente de la Fnars juge le mal plus profond.
Premier problème, la pénurie de places dans certains départements. En 2008, Benoist Apparu avait promis une "refondation" du dispositif national d’hébergement. Sur le terrain,
faute de financements, la réalité ne suit pas. À Tours, le département est en état de pénurie chronique depuis la fermeture, en 2009, de 240 places gérées par l’Aftam. Et, en avril dernier,
la DDCS a annoncé qu’elle ne financerait plus l’hébergement à l’hôtel d’une dizaine de familles étrangères. "Chaque soir, nous appelons le 115 pour savoir où elles vont passer la nuit, raconte
Rose-Marie Merceron, de l’association Chrétiens-Migrants. Hier, j’ai encore donné 160 € pour que certains aillent à l’hôtel !" Avec le Réseau Éducation sans frontières (RESF) et la
Ligue des droits de l’homme (LDH), Chrétiens-Migrants a déposé une vingtaine de référés devant le juge administratif. En vain dans le cas de migrants sans titre de séjour, avec succès pour les
demandeurs d’asile. "Depuis, dès que nous déposons un référé, la préfecture leur trouve un logement. Mais, souvent, ce n’est pas pérenne", explique l’avocate des trois associations, Catherine
Lison-Croze. "Cela dit, nuance Nicole Maestracci, il y a des départements qui n’ont pas de problèmes de places. Mais je ne jette pas la pierre aux fonctionnaires, soumis à des injonctions
contradictoires."
Au moment où ces dérapages étaient rendus publics, les sénateurs devaient voter un texte conditionnant l’accès à l’aide médicale de l’État (Ame) à un droit d’entrée annuel de
30 €. Une même logique : "rendre plus difficile la vie des sans-papiers, sur l’hébergement comme sur les soins, dénonce Nicole Maestracci. Les préfets sont plus jugés sur leur capacité
à réaliser les objectifs chiffrés de reconduite à la frontière que sur leurs résultats en matière d’hébergement. C’est tout un climat général."
En 2007, lors du vote de la loi durcissant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, le député Thierry Mariani (secrétaire d’État aux Transports) avait déposé
un amendement restreignant l’accès des sans-papiers aux centres d’hébergement. La mobilisation des associations et l’opposition de Martin Hirsch en avaient eu raison au Sénat. Et le chef de
l’État, quelques jours plus tard, avait asséné : "L’accueil doit être inconditionnel. Quand quelqu’un est à la rue, qu’il est dans une situation d’urgence et de détresse, on ne va tout de
même pas lui demander ses papiers !" Cette année-là, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, avait pourtant émis un "avis favorable" à l’amendement
Mariani. Cette semaine, il n’a pas souhaité s’exprimer sur les dérives préfectorales. Simple hasard ?
21/10/2010 19:30
Un état des lieux inquiétant
Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), se scandalise particulièrement de la fragilité financière des « équipes mobiles » au contact des sans domicile fixe. « C’est grâce à elles que nous pouvons repérer les pires situations pour ceux qui sont à la rue, souligne-t-il. En les affaiblissant, le gouvernement semble se mettre un bandeau sur les yeux pour ne plus voir ce qui se passe réellement. »Un contexte législatif « moralement inacceptable »
En outre, la rétroactivité des Aides personnalisées au logement (APL), qui permettait aux bénéficiaires de toucher après coup les versements à compter de leur changement d’adresse, sera supprimée en 2011, pour une économie de 240 millions. « Il faut s’attendre à une précarisation importante des foyers les plus démunis, pour qui le loyer représente déjà 50 à 60 % de leurs revenus », explique Christophe Robert.
Jean-Baptiste FRANÇOIS Site La-Croix.com |